LETTRE DE KOUESSI GILBERT A BENOIT  ILLASSA

                        A PROPOS DES EVENEMENTS AU BURKINA                      

                                               Mon cher Benoit

                                    J’ai lu avec consternation la réaction que tu as postée sur ton Blog après le putsch des partisans du dictateur Blaise Compaoré au Burkina Faso et intitulée : « Le coup d’Etat au Burkina Faso légitimise le consensus né de la Conférence Nationale Historique de février 1990 et met un bémol à tous ceux qui veulent écarter la candidature de Patrice TALON des présidentielles de 2016 !!! ». Tu y déclares en effet : « Aucun démocrate ne saurait approuver le coup de force des militaires de la Garde Présidentielle du Burkina Faso. Toutefois, les organes de la transition ont péché en voulant coûte que coûte écarter une frange du peuple burkinabé au fallacieux motif qu’ils auraient collaboré avec l’ancien régime. Dans toute démocratie, les peuples choisissent leurs dirigeants à travers des élections libres et crédibles. Si au Bénin, en 1990, la Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation avait exclu tous les béninois silencieux qui ont subi ou servi l’autocrate, elle aurait accouché d’une souris ».

            Tu sais, mon cher Benoit, tout nouvel ordre, surtout au sortir d’une guerre, d’une dictature est toujours exclusif ; le problème c’est : « qui exclue qui ». Penses-tu que notre propre démocratie béninoise n’est pas exclusive ? As-tu oublié que la limite d’âge des 70 ans  introduite dans la Constitution béninoise pour la candidature à la présidentielle avait pour objectif d’exclure les présidents MAGA, AHOMADEGBE et ZINSOU de l’élection présidentielle ; aujourd’hui, ceux qui avait introduit cette clause, sont eux-mêmes rattrapés par le temps qui passe, la vieillesse n’épargnant personne. Connais-tu la notion d’indignité nationale, as-tu jamais entendu parler de quelqu’un qui est privé de ses droits civiques et politiques à cause de ses agissements ? A la fin  de la deuxième guerre mondiale et de l’occupation de la France, beaucoup d’avocats, de médecins et autres professions qui ont collaboré avec l’occupant ont perdu leurs droits civiques et politiques et ont été interdits de pratiquer leurs métiers ; quant aux responsables politiques, certains ont été fusillés ou condamné à des années de prison ; le chef des collaborateurs le maréchal Pétain a été condamné à la prison à vie ; après sa mort, sa tombe a été enchainée pendant longtemps avant que les chaines ne soient retirées il n’y a pas longtemps. Tous les ans en France, on célèbre la résistance et la mémoire des héros et, jusqu’aujourd’hui, c’est une honte pour une famille d’avoir eu des collaborateurs  en son sein. En France, on sait qu’un pays ne se construit que par le culte des héros, de ceux qui osent se sacrifier quand le pays est en danger ou ceux qui ont réalisé de grandes choses pour son avancement. « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ».Tu ne trouves pas bizarre que ceux qui font cela chez eux nous recommandent de faire le consensus avec les dictateurs et les assassins chez nous!!! Regarde et écoute un peu les commentaires sur les radios et les télévisions. Oh ! il ne fallait pas exclure les gens, il fallait prévoir des élections inclusives et patati patata allant jusqu’à travestir les décisions de la Cour de justice de la  CEDEAO.  D’abord, tout le monde oublie que la Charte de la Transition qui sert de Constitution pour la période actuelle, excluait tous ceux qui ont soutenu le projet de révision. Ce que la Cour de justice de la CEDEAO a dit par rapport à la loi électorale, c’est que « tous ceux qui ont soutenu la révision de la Constitution », c’est très vague et cela s’apparente à une justice collective et qu’il faut être précis par rapport au rôle joué par chacun. Un ministre était en conseil des ministres avec Blaise COMPAORE au moment de la prise de la loi de révision de la Constitution ; le peuple s’est battu contre cette loi, des dizaines de gens sont morts pour empêcher cette révision en chassant le dictateur ; ce monsieur ose venir dire qu’il va se présenter aux élections et on veut interdire au peuple de l’en empêcher !!! Un peu de décence quand même ! Je suis convaincu qu’en France cela ne passerait pas. Il est vrai que chez les sous-hommes d’Afrique, ces choses sont faisables.

                        Mon cher Benoit

            En comparant ce qui se passe au Burkina avec les tracasseries vis-à vis de ton mentor Patrice Talon, tu ne lui rends pas service. Là-bas nous avons un peuple qui veut empêcher ses bourreaux d’aspirer à le diriger alors qu’ils n’ont pas encore rendu compte des tors qu’ils lui ont causés, ici nous avons un autocrate qui veut empêcher un citoyen d’exercer ses droits civiques et politiques, quel rapport ? En outre, avec le consensus que tu soutiens et qui est pratiqué au niveau de la classe politique béninoise, je peux te garantir que ce n’est pas demain la veille des tracasseries vis-à-vis de Patrice TALON. Car, que risque YAYI BONI ? Rien. Nous sommes dans un système de « qui perd gagne ». Vous êtes un autocrate, vous tentez un coup de force ; le peuple résiste et fait échec à vos entreprises ; à peine la victoire obtenue, ce même peuple s’agenouille devant vous pour vous remercier de lui avoir octroyé cette victoire. Je suis convaincu que demain, si YAYI BONI est contraint de partir, si tu es toujours dans la logique du consensus, tu seras le premier comme toute notre classe politique à le remercier d’avoir accepté de quitter le pouvoir, oubliant complètement toutes les luttes que nous venons de mener et qui continuent pour le contraindre à partir. Qui ne jouerait pas à une loterie où on ne perd jamais ; où il n’y a aucun risque ; vous misez des millions, si vous avez la chance, vous gagnez le gros lot, si ce n’est pas le cas, on vous rembourse votre argent avec remerciement.

                        Tu vois mon cher Benoit, voilà le système dans lequel nous vivons depuis 25 ans. Un système de consensus comme tu le dis où personne ne rend aucun compte de ses turpitudes. Et cela, c’est l’immunité accordée à KEREKOU en 1991 et ceci après un gros chantage ; puisque c’est ce qu’il exigeait avant de reconnaitre le résultat des élections et passer la main à SOGLO ; c’est exactement ce que DJENDERE et sa bande d’assassins veulent aujourd’hui au Burkina Faso. Cette immunité a permis à KEREKOU de revenir en 1996 pour mettre le pays à sac pendant 10 ans. Tu ne trouves pas curieux que c’est à la veille de la rencontre du Procureur avec les parents pour communiquer les résultats des recherches d’ADN sur les os trouvés dans la tombe de Thomas SANKARA que DJENDERE fait son coup d’état ? Or il est de notoriété publique que DJENDERE a trempé dans l’assassinat de SANKARA.

            Les nouvelles qui parviennent du Burkina Faso, montrent que le peuple n’acceptera pas le chantage de DJENDERE et de la Garde Présidentielle. Nous devons le soutenir dans ce sens et lui montrer les travers du contre-exemple du Bénin ou règne le consensus de la lâcheté, de la non-reddition des comptes de l’impunité et de la cleptomanie ambiante, ce qui a amené quelqu’un a proposé un monument au fronton duquel serait inscrit «  Aux corrompus la Patrie reconnaissante »

             Tu termines souvent tes écrits avec cette citation de Frantz FANON : "Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir" ; Je ne suis pas convaincu qu’avec la situation de l’Afrique et de notre pays le Bénin en particulier, le rôle de notre génération soit le consensus avec les dictateurs et les assassins ; relis Frantz FANON et tu comprendras ce que je dis ici.  

On garde le contact.

Gilbert

LE 20 septembre 2015

PS : n’oublie pas de publier ceci sur ton Blog comme réaction à ton article ; cela participe du débat.

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