Macron, l'Afrique et nous
Elles se calment les vagues soulevées par une visite présidentielle. Celle d'Emmanuel Macron en Afrique. Visite ponctuée par trois escales : Ouagadougou, au Burkina-Faso ; Abidjan, en Côte d'Ivoire ; Accra, au Ghana. Jeune lui-même, le Président français a tenu à faire des jeunes africains ses interlocuteurs privilégiés. Non contemporain des drames de la colonisation et de la décolonisation, il se sentait à l'aise pour regarder les Africains dans le blanc des yeux et pour leur tenir un discours décomplexé. Désireux de tourner une page dans les relations entre la France et l'Afrique, il a dit qu'il n'y aura plus "une politique africaine de la France".
Faut-il, après tout ce qui suit, conclure à l'avènement prochain d'une nouvelle ère dans les relations franco-africaines et ceci sur les cendres de la France-Afrique ? Le Président français a dit et redit que la France n'a pas de leçons à donner à l'Afrique. Il a raison. Cela ne peut exonérer pour autant les Africains du devoir de tirer des leçons de leur marche chaotique plus que cinquantenaire, depuis les indépendances à ce jour. De quel mal souffre-t-elle l'Afrique ? Qu'est-ce qui atteste symboliquement du mal africain ? Diagnostic en quatre symboles sous le signe des quatre "B".

Premier "B", le berceau. C'est le symbole du refus de grandir, le berceau étant un petit lit pour bébé. Comme s'il y avait un plaisir particulier à rester coller au sol de sa naissance. Comme s'il y avait un mérite à renoncer à toute croissance, à tout envol vers les sommets. Pendant que les autres s'activent sur le chemin de l'émergence, nous, nous nous complaisons à accumuler des contre-performances. C'est d'Afrique que partent les plus forts contingents de réfugiés pour de sulfureuses aventures dans le reste du monde. C'est l'Afrique qui bat le record mondial d'alcooliques, d'exilés politiques, de personnes porteuses du VIH, de chefs ayant établi avec le pouvoir un contrat à durée indéterminée (CDI).
Deuxième "B", le biberon. Depuis près de 70 ans, c'est au- près des autres que nous quêtons notre pain quotidien. Mendiants et fiers de l'être, nous tenons notre sébile constamment gourmande de charité internationale. Coincés et sans marge de manœuvre, nous nous livrons pieds et poings liés aux autres. Il ne leur reste plus qu'à nous vendre, tels les esclaves d'hier, sur tous les marchés libyens d'ici et d'ailleurs. Comment peut-il en être ainsi quand on est un continent exceptionnellement gâté par la nature, avec des ressources naturelles sans nombre, avec un potentiel élevé de jeunes ?
Troisième "B", le bonbon. Ce n'est là qu'une variante améliorée du biberon. C'est une arme redoutable de mensonges orchestrés et de chantages célébrés. Il s'agit d'obscurcir la conscience des Africains pour qu'ils ne parviennent pas à la vérité selon laquelle l'Afrique n'est pas pauvre, mais qu'elle est appauvrie.
Avez-vous entendu parler du pacte colonial ? C'est ce contrat maudit entre l'ancien colon et ses sujets colonisés. Aux termes de quoi nous devons exceller à être et à rester des producteurs de matières premières agricoles, à charge pour le colon de les transformer, dans ses usines, en produits finis.
Connaissez-vous l'échange inégal ? C'est le principe inique selon lequel l'acheteur fixe et impose les prix des denrées dont il a besoin. C'est à prendre ou à laisser. Sinon, que le récalcitrant s'en retourne manger son coton, grignoter ses fèves de cacao ou ses graines de café.
Ne parlons pas des absurdités du genre "La démocratie est un luxe pour l'Afrique" ou " L'homme noir n'est pas rentré dans l'histoire"
Quatrième "B", la boussole. Empressons-nous de dire qu'il s'agit, ici, d'une boussole mal maîtrisée, mal utilisée. Dans les conditions normales, cet outil est aussi utile à un navigateur que l'est le couteau pour le maître cuisinier. La boussole est un instrument qui indique le nord magnétique. Ce qui permet à quiconque, en tous lieux, de connaître sa position pour mieux se situer et s'orienter.
Indiquer le nord magnétique ne signifie pas en marche, en avant toute vers le Nord. Voilà l'erreur que nombre d'Africains commettent tous les jours. Ils transfèrent, sans autre forme de procès, leur espérance, si ce ne sont leurs vies, sur les terres froides du Nord, à la quête d'un bien problématique El Dorado. Les sages chinois ont diagnostiqué ce mal en ce proverbe : "Quand un doigt montre la lune, l'imbécile regarde le doigt".
Jérôme Carlos
La chronique du jour du 5 décembre 2017

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