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II – L’absence du droit

Le droit, dans notre pays, est au bout de toutes les lèvres, mais constitue le parent pauvre des règles de conduite. Le droit est isolé, piétiné, ou, à tout le moins, manipulé. Il est au service de l’iniquité. Il prive, conduit en prison si tel est le vœu du prince, et refuse la liberté, si telle est également sa volonté. L’actualité sociale éloigne notre pays des horizons d’un Etat de droit. Nous sommes au plus près d’un Etat du vouloir du prince. Si des hommes et des femmes se mettent au service des intérêts qui ruinent notre société, c’est avec, parfois, le renfort du droit.
Le droit est évincé aux dépens des plus faibles. Il est appelé au renfort des plus forts.
Les activités de ICC-Services et consorts constituent, malheureusement, une illustration de cette situation. Une escroquerie aussi importante quant à son montant, aussi large quant aux victimes, aussi étendue dans sa durée, n’a pu prospérer sans une élision du droit.
Mais l’absence du droit n’est pas sans rapport avec celle de la Justice.

III – L’absence de justice.
La justice est de plus en plus écartée du débat social, des scandales politiques et économiques.
L’affaire dite des « machines agricoles » sur laquelle d’éprouvantes discussions à la moralité publique eurent lieu à l’Assemblée nationale et dans les médias n’a pas connu la suite judiciaire attendue par les citoyens et l’ensemble des contribuables. Celle relative à l’organisation du sommet de la CEN-SAD connut le même sort, si ce n’est, à l’occasion de l’affaire dite ICC-Services et consorts, de la saisine de l’Assemblée Nationale aux fins de la procédure de mise en accusation devant la Haute Cour de Justice.
La Justice est écartée lorsque, même saisie, elle est mise sous pression, et évolue au rythme que lui impose le pouvoir exécutif.
La justice est absente, lorsque même saisie, des commissions administratives parallèles prospèrent, et, en contradiction évidente avec la loi, accomplissent des actes qui relèvent des juridictions d’instructions compétentes. Faut-il souligner, que dans l’affaire dite ICC-Services et consorts, une procédure est ouverte au 1er cabinet d’instruction de Cotonou et qu’une autre, relative à la même cause et concernant un magistrat, est engagée devant la Cour suprême ?

Or, lorsqu’une instruction est ouverte, tous les actes à accomplir dans le cadre d’une affaire pénale sont ordonnés par le juge saisi. Dans le cas de l’affaire visée, c’est une commission administrative, à laquelle on joint un substitut du procureur, qui interpelle, interroge, saisit. Elle accomplit des actes de privation de droit et de liberté. Le pouvoir politique qui est mis en cause ne saurait conduire sans partialité des enquêtes dans un scandale aussi grave. L’arbitraire en rajoute à la fébrilité ambiante, au tort du droit et de la justice. Lorsque le droit et la justice sont menacés, l’impunité s’installe et l’Etat devient une jungle.
Or, comme disait le Professeur Albert TEVEODJRE à l’issue de la Conférence nationale des forces vives de février 1990, « quand l’intelligence déserte le forum, la médiocrité s’installe et tout finit en dictatures ».
Tout ce qui précède n’est que la consécration de la perte des valeurs et des repères.


IV – La perte des valeurs et des repères.
Cela a déjà été relevé[1], il faut le réitérer : « le contexte social aujourd’hui est fortement marqué par la perte des repères et des valeurs.
On a l’impression que le Bénin n’a pas encore fait le deuil de ses figures importantes : Le Cardinal Bernardin GANTIN et Monseigneur Isidore de SOUZA. Les personnalités capables d’influencer les acteurs en exercice, tels que les anciens Présidents de la République (Nicéphore D. SOGLO, Mathieu KEREKOU et Emile D. ZINSOU) ne prennent pas assez d’initiatives ou ne paraissent pas avoir le recul et la hauteur suffisants pour inspirer confiance à tous. Il en est ainsi de certaines autres personnalités qui occupent des fonctions institutionnelles, certes importantes, mais partisanes. L’encasernement institutionnel de ces personnalités les confine dans une attitude de passivité nuisible aussi bien à l’expérience qu’à l’espérance démocratiques. »

Le discours politique manque de loyauté, d’élégance, de respect de la dignité humaine et de la société. Le plus désastreux, c’est qu’au mépris de ces valeurs, de jeunes nervis, et d’autres, malheureusement dépositaires de nos traditions, sont instrumentalisés et outrageusement financés pour terroriser ; pour ériger le mensonge en règle et les injures gratuites en phénomène de mode.

Notre pays se présente, au plan des valeurs morales, comme un vaste enclos ouvert de toutes parts, et d’où sont absents ceux qui sont élus par le suffrage des âges pour requérir la fermeture des portes et fenêtre, et éviter l’entrée des vents malsains.

La religion de l’argent gagne la jeunesse. Les cybercafés deviennent les lieux de la cybercriminalité. Le travail ne constitue plus une valeur. C’est le gain facile, au moyen de financements occultes. Des familles abdiquent également leur rôle d’éducation et recèlent les produits des fraudes commises.

Conclusion
Les signaux de la gouvernance économique et sociale de notre pays ne sont guère reluisants. Nous n’avons jamais été confrontés avec autant de trivialité à nos propres putréfactions. Mais l’objet qui touche le fond de la cuvette ne peut que remonter. Il faut se nourrir donc d’espoir. Mais cela dépend de la place que nous aurons accordée, dans les débats qui nous occupent déjà, au travail, à la patrie et au mérite.
Enfants du Bénin, debout !

Cotonou, le 1er Août 2010.

Ont signé pour:

- L’Association de Lutte contre le Racisme, l’Ethnocentrisme et le Régionalisme (ALCRER-ONG), Martin ASSOGBA

- Nouvelle Ethique, Joël ATAYI-GUEDEGBE

- Le Centre Afrika Obota (CAO-Bénin), Urbain AMEGBEDJI

- L’ONG Droits De l’Homme, Paix & Développement (DHPD-ONG), Joseph DJOGBENOU

- Transparence & Integrite Au Benin (TI-Bénin), René Nicéphore AVOGNON

- Le Front des Organisations Nationales de lutte contre la Corruption (FONAC), Maximilien SOSSOU-GLOH

- West African Network for Peacebuilding (WANEP-Bénin), Orden ALLADATIN

- Social Watch Huguette Aplogan DOSSA



[1] In, « Le Bénin à la croisée des chemins », Document de réflexion et de plaidoyer en faveur de l’organisation d’élections crédibles, transparentes et démocratiques en 2011 et la paix au Bénin ; mars 2010, p.8.

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