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II-        Les propositions de solutions en cours.

Lorsque l’on examine les discours et déclarations des différents partis et candidats, on peut classer les propositions de solution en trois groupes : la continuité, les réformes de replâtrage, la révolution.

1-   Boni Yayi et la continuité de sa gouvernance calamiteuse

Pour Boni Yayi et son parti-Etat, les FCBE, la solution réside dans la continuité. « Après nous, c’est nous », telle est leur volonté ouvertement déclarée. Les critères pour la désignation du candidat des FCBE à la prochaine présidentielle le stipule clairement. Il faut que le candidat assume le bilan de Boni Yayi et s’engage à continuer son œuvre. La continuité signifie que les arrières du pouvoir corrompu soient protégés, que les crimes politiques et économiques restent impunis et que se poursuive et se renforce la mainmise de l’impérialisme français et des puissances étrangères sur le pays. On doit se souvenir que Boni Yayi a été officiellement adoubé par la France avec sa décoration par Chirac en 2005. La continuité signifie l’accord de la France au candidat. Le candidat de Boni Yayi doit être désigné, comme cela avait été son cas, de commun accord avec l’impérialisme français.

La continuité n’empêche pas des réformes d’un certain ordre. Celles permettant et facilitant le pillage ainsi que la duperie et le musellement du peuple. Le projet de révision de la Constitution conçu dans le sens d’un renforcement des lois antidémocratiques (retrait du droit de grève à des secteurs entiers de travailleurs, diminution des prérogatives du parlement, multiplication des organes budgétivores, etc), est toujours sur la table des députés. Mais, pour la continuité, rien ne doit se faire contre la racine du fléau que constitue la corruption, l’impunité.

Au contraire, les droits et les libertés des travailleurs doivent être amputés pour plus de libertés aux pilleurs et aux fraudeurs de toutes catégories.

A défaut d’une immunité, Boni Yayi et ses partisans sont alors à la recherche de celui qui sera le mieux à même de lui couvrir les arrières et poursuivre l’œuvre de pillage du pays. Le maître impérialiste français qui se sent également les intérêts menacés en Afrique par d’autres puissances, dont la Chine, veut relancer une offensive afin de regagner le chemin perdu. Il faut, plus que jamais, raviver le pacte colonial. On assiste alors à une croisade de reconquête de type colonial avec la multiplication des bases militaires et des guerres de la France en Afrique: Côte-d’Ivoire, Libye, Mali, Tchad, Centrafrique, etc. Le soutien à des dictateurs avérés demeure également d’actualité. On l’a vu avec le soutien de François Hollande au référendum de Sassou N’guesso du Congo Brazzaville pour la révision de la Constitution en vue de permettre à ce dernier de se perpétuer au pouvoir. Le couloir pour l’acheminement des produits du Niger, la proximité d’avec le Nigéria, première puissance en Afrique, font du Bénin un point stratégique dans l’offensive de l’impérialisme français en Afrique. Pour l’ancien colonisateur, il faut un président entièrement dévoué et ancré dans la FrançAfrique.

Les agences de l’impérialisme français avaient depuis conclu au discrédit total des partis et dirigeants politiques hauts bourgeois du Bénin. Un article de leur politologue attitré pour le Bénin, Monsieur Banégas, publié en septembre 2013 par le journal «La Nouvelle Tribune» indiquait cette conclusion. Donc, pour l’impérialisme français, il fallait explorer d’autres voies. A cette aune, il y a d’une part et d’abord des éléments forgés directement par la grande bourgeoisie française, des hommes évoluant dans les cabinets français concepteurs et défenseurs de la FrançAfrique. Lionel Zinsou en est un. Il y a ensuite et à défaut, des hommes que les affaires et les intérêts économiques lient à la France et aux puissances étrangères. Ici, les compradores, les hommes d’affaires acteurs du pacte colonial, feront bien l’affaire pour l’ancien colonisateur. Pourvu qu’ils s’engagent à couvrir les arrières de Boni Yayi.

Ce dernier a avancé d’abord un premier pion en la personne de Komi Koutché La Cour Constitutionnelle de Holo avait, à cet effet, traficoté à son profit la loi fondamentale sur l’âge requis pour être candidat. Les protestations populaires ont grillé cette carte. Yayi avance alors un autre, Lionel Zinsou, débarqué directement de Paris comme premier ministre pour l’imposer comme le candidat unique des FCBE.

1.1 Lionel Zinsou, le nouveau gouverneur en mission de la FrançAfrique

Lionel Zinsou est parfaitement dans la peau du gouverneur colonial. Dans un entretien comme invité de RFI le mardi 1er décembre 2016, il dit « La FrançAfrique, c’est un mythe …… désormais les rapports de domination et d’exclusive sont des choses qui n’existent plus qu’à l’état résiduel et folklorique ». (Cf. «l’Evénement Précis», n° 1537 du mercredi 02 décembre 2015). Mais alors, serait du folklore, l’exfiltration de Compaoré par les soins de l’armée française lors du soulèvement populaire au Burkina Faso, exfiltration reconnue et revendiquée par François Hollande en visite peu de temps après au Canada. Est-ce un folklore le soutien du gouvernement français d’alors aux rebelles en Côte-d’Ivoire et puis à Ouattara contre Gbagbo ? Pensant pouvoir évoluer en tenue camouflée, Lionel Zinsou, tente de dissimuler la nature de son armée de la FrançAfrique en la traitant de mythe. C’est dans le même ordre d’idée qu’il fait l’éloge du franc CFA, l’un des dispositifs clé de la FrançAfrique.

Répondant aux critiques contre le franc CFA, Lionel Zinsou dit : « le franc CFA, est une monnaie d’intégration africaine entre 13 pays africains, (…) ce qui est très important pour des grands marchés intérieurs (…) c’est une monnaie stable, prévisible, dont la parité est fixée sur l’euro ». Mr Zinsou parle pour faire oublier l’histoire. Le franc CFA, le franc des colonies françaises d’Afrique, avait une parité fixe avec le franc français ; elle n’a eu une parité fixe avec l’euro qu’à partir du moment où le maître français est entré dans l’euro. On n’a pas demandé l’avis des peuples africains, en tout cas pas celui du Bénin, pour cette trainée dans l’aventure européenne. Le peuple français, directement par référendum ou par le biais de ses représentants au parlement est consulté au sujet de tout accord international relatif à sa souveraineté. Il en a été ainsi par exemple du traité de Rome II établissant une Constitution pour l’Europe que le peuple français a rejeté par référendum le 29 mai 2005. D’autres peuples européens, bien que membres de l’Union Européenne, consultés au sujet de l’Euro, ont refusé par référendum d’entrer dans la zone euro. Il en a été ainsi du Danemark en l’an 2000. Mais, la françAfrique, prolongement de la colonisation et du pacte colonial, entraine les peuples et pays africains francophones, sans demande de leurs avis formels, dans toute aventure décidée par et pour la France. La FrançAfrique, la voilà en œuvre palpable.

Parlant du rôle intégrateur du franc CFA, toutes les statistiques montrent que l’économie du Bénin est plus intégrée à celle de son voisin le Nigéria qu’avec celle du Sénégal par exemple également dans la zone franc CFA. Il en serait certainement ainsi dans l’avenir au vu de la communauté de frontières physiques, de rapports humains et historiques.

La situation est pareille pour le Niger, le Tchad, le Cameroun, pays voisins du Nigéria. Quelle intégration réalise alors le franc CFA ? Pas celle en tout cas au profit des pays africains, mais, une intégration ou plutôt une subordination à l’économie de la France.

Une monnaie d’intégration profitable au Bénin devrait être celle commune entre le Nigéria et ces pays. Evidemment, Lionel Zinsou militerait pour l’extension du franc CFA aux pays anglophones, le Nigéria et le Ghana, pour la CEDEAO. Mais cela se heurterait au mécanisme du compte d’opération, le fameux compte logé au Trésor français et dans lequel les pays d’Afrique francophone doivent déposer leurs recettes d’exportation. Mais « c’est quelque chose qui pourrait tout à fait s’aménager », veut bien concéder Lionel Zinsou.

Mais une servitude qui s’aménage demeure toujours servitude. Diminuer le niveau des dépôts au Trésor français n’est pas la clé de la résolution du problème. Aujourd’hui, un opérateur économique résident de la zone franc ne peut avoir un compte bancaire en devises ; le soutien à l’industrie est handicapé par les obstacles draconiens au refinancement par les banques centrales. Au sein des conseils d’administration de ces banques centrales, (BCEAO et BEAC), siègent des représentants de la France, de même que dans les Comités de crédit dans chaque pays. La voilà, la FrançAfrique en œuvre. C’est à ces instances que sont fixés les taux de base prohibitifs pour les investissements industriels, afin de ne pas entraver l’importation des produits manufacturés de la métropole. Même l’agriculture, en dehors des produits nécessaires aux métropoles (coton, arachide, etc.) est pénalisée par des taux d’intérêts bancaires exorbitants et prohibitifs. Ainsi tant que la souveraineté monétaire ne sera pas conquise, l’industrialisation et partant le développement de l’Afrique et du Bénin ne sera pas assurée. Mais, tel n’est pas l’avis de Lionel Zinsou. La fierté nationale, la souveraineté des peuples africains et du peuple béninois ne compte pas pour lui. Avec lui, la continuité et le renforcement dans le pillage de notre pays sont assurés.

C’est donc naturellement avec dédain qu’il juge les protestations contre la gestion calamiteuse de Boni Yayi et les scandales politico-financiers qui jalonnent ses dix ans de règne. « Les scandales, c’est autre chose » dit-il, dans une interview au journal «La Nouvelle Tribune» en date du 22 juin 2015; et d’ailleurs, poursuit-il « Je ne pense pas quand on compare le Bénin à beaucoup d’autres pays que nous soyons un pays si mal gouverné que le pense une partie de l’opinion béninoise. Je les invite à regarder le monde entier ». Il n’y a donc pas de quoi fouetter un chat. D’ailleurs, c’est en présence du nouveau premier ministre que se déroulent les nouveaux concours frauduleux, les états de siège contre les étudiants en lutte à Abomey-Calavi contre les sessions uniques, l’inscription sélective dans les facultés, ou plus généralement l’exclusion des fils des pauvres de l’enseignement supérieur public. Celui-là qu’on nous vante comme au-dessus de la mêlée, qui par sa soi-disant culture exempte de la fraude et des tripatouillages parce que n’ayant vécu et travaillé qu’en France, celui-là n’a pas pipé mot contre les fraudes grossières des derniers concours. Il ne s’est pas gêné d’aller signer le marché des rails obsolètes des temps coloniaux avec Bolloré, en violation du contrat déjà signé au profit de Dossou Aworet. Il ne s’est naturellement pas ému du parjure flagrant de Boni Yayi qui déclare ouvertement ne pas se soumettre à une décision de la justice condamnant cette cession à Bolloré. Avec Lionel Zinsou, Boni Yayi a trouvé celui qui peut couvrir ses arrières en accord avec le maître impérialiste français. La continuité dans l’impunité des crimes politiques, de la fraude est également garantie. Le pays aura rétrogradé au rang d’une colonie.

1.2 Les autres candidats de la continuité

La presse a relayé et critiqué le voyage sur convocation à Paris, début novembre 2015 des principaux candidats potentiels. Outre Boni Yayi et Lionel Zinsou, il y avait Sébastien Ajavon, Patrice Talon, Pascal Iréné Koupaki. Il apparaissait clair que Paris entendait dicter ses règles et consignes.

Il y avait déjà une indication que les autres candidats qui se présentent, notamment les plus gros, ne se démarquent pas du pacte colonial et pour certains de la gestion calamiteuse de Boni Yayi. Koupaki par exemple ne s’est pas jusqu’à ce jour démarqué de Boni Yayi. Il pérore à propos d’une «Nouvelle conscience» qui aurait manqué au niveau des populations pour l’accomplissement des objectifs de « changement et de refondation » que lui et Boni Yayi se seraient fixés en 2006. Après s’être fait l’apôtre et le propagandiste de la Refondation suite au hold-up électoral de 2011, le voilà maintenant le gourou d’une «nouvelle conscience», sans aucun scrupule de reddition des comptes au peuple de sa participation active au pouvoir, à la droite de Boni Yayi pendant 8 ans. Les nombreux scandales, Icc-services, Cen-sad, Sodéco, PVI, avions présidentiels, machines agricoles, etc., sont de son ressort. Du reste, rien dans le programme de Koupaki n’indique une rupture d’avec la gestion de Boni Yayi, ni d’avec le pacte colonial.

Certains généraux militaires s’étaient annoncés dans la course à la présidence. On sait que pour être officier général au Bénin, il faut l’accord (ou tout au moins l’avis de non objection) de la France qui opère par la formation, l’armement. Yayi Boni en a nommé par pelletées pour s’assurer le soutien de l’armée. Les plus zélés sont utilisés dans des missions occultes ou officielles pour des coups fourrés à l’intérieur comme à l’extérieur. Ceux qui, maintenant à leur retraite, se présentent à l’élection présidentielle sont également bien connus dans de gros scandales sous le pouvoir de Kérékou-2 et 3 et de Boni Yayi. Même et surtout à la retraite, les plus zélés sont entretenus dans des réseaux divers de la FrançAfrique.

En ce qui concerne les opérateurs économiques, Talon et Ajavon, leur prétention à la présidence de la république a pour fondement la faillite et le discrédit des hauts bourgeois bureaucrates et de leurs partis. Leur candidature s’inscrit, non pas dans la suite de leur militantisme connu et ouvert dans un parti, mais dans le cadre de la république devenue ploutocratique mafieuse. Les deux opérateurs économiques, sont tous des compradores, c’est-à-dire des hommes d’affaires chargés pour l’un, Talon, de drainer les matières premières brutes, le coton, sans transformation, de notre pays vers l’extérieur, et le second, Ajavon, d’inonder notre pays, de marchandises produites à l’extérieur. Tous deux sont donc dans la logique du pacte colonial qui a pour objectif de maintenir notre pays comme fournisseur de matières premières et comme consommateur de produits importés.

Il est donc faux de dire que Talon serait au Bénin un industriel. L’égrenage du coton n’est pas encore une transformation industrielle, pas plus que le décorticage de l’arachide ou du riz.

Quant à Ajavon, ses affaires consistent à l’inondation du marché de produits étrangers de pêche, d’élevage, d’huile et maintenant de tissus. C’est dire que ces deux opérateurs, de par leurs relations économiques dans le cadre du pacte colonial, sont agents et sujets à la soumission à la FrançAfrique.

Financeurs jusque-là des bureaucrates hauts bourgeois et de leurs partis qui, en retour, leur renvoyaient l’ascenseur en leur assurant des facilités exceptionnelles de l’Etat dans leurs affaires, les deux grands compradores ont pu constater la faiblesse, la veulerie, la fourberie de ces dirigeants des partis hauts bourgeois qui étaient devenus leurs obligés. Le système électoral ne reposant que sur la distribution de l’argent pour l’achat des voix et le paiement de la fraude, la tentation de ceux qui finançaient est grande et justifiée de se lancer eux-mêmes dans la course. Point n’est besoin d’un programme, de militantisme au sein d’un parti. Les partis eux-mêmes peuvent être achetés et les enchères sont connues. Et déjà, l’on voit des responsables de partis, qui pour certains s’étaient déclarés candidats auparavant, se convertir en propagandistes zélés en faveur de ces «télécommandes».

Il est clair qu’avec les compradores directement au pouvoir, l’Etat sera complètement mis au service de leurs affaires privées. Il est difficile dans ces conditions qu’ils veuillent permettre au peuple de voir clair dans les nombreux scandales financiers sous le pouvoir de Boni Yayi. La rupture est par conséquent difficile, voire impossible. En ce qui concerne la gestion de l’Etat, ce ne sera plus un partenariat public-privé, mais une soumission complète du public par le privé, autrement dit un partenariat « Privé-Privé ».

Le pays est donc véritablement en danger. Il est clair que Boni Yayi et l’impérialisme français mobiliseront tous leurs réseaux officiels et occultes pour tenter d’imposer leur candidat. Les élections à coup de distribution d’argent et de la fraude donnent des avantages au candidat colon commun de l’impérialisme français et de Boni Yayi ; elles constituent par conséquent une couverture de la recolonisation 55 ans après notre indépendance formelle. A l’échec de chaque pion, ils en mettront un autre en avant. Les évolutions objectives possibles du modèle démocratique failli, avec des élections à coup d’argent et de fraude sont la rétrogradation soit vers un Etat de type colonial ou vers une continuité du désastre. Au lieu de voir ces évolutions objectives possibles que seul un sursaut populaire peut conjurer, des théoriciens de la bourgeoisie libérale proposent des solutions de replâtrage pour endormir davantage le peuple.

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