POINT DE PRESSE
de
Philippe NOUDJENOUME
Premier Secrétaire du Parti Communiste du Bénin
Président de la Convention Patriotique des Forces de Gauche

 ADRESSE XIV
Aux travailleurs et au peuple en lutte

LE PRESIDENT PATRICE TALON EST COUPABLE DE PARJURE.
IL NE MERITE PLUS LA CONFINACE DU PEUPLE

 

Travailleurs, peuple du Bénin,
Tout Etat existant à un moment donné est fondé sur un contrat express ou tacite entre les classes dirigeantes de la société et consenti comme normes de droit par l’ensemble des citoyens. Ce Contrat social se traduit, pendant nos époques modernes, à travers la Constitution. Et tout Chef d’Etat entrant en fonction est tenu de jurer - par serment - sur la foi de ce qu’il y a de plus sacré pour le Pays et le peuple souverain, de la respecter. Il est tenu sous peine de sanction (la révocation), de respecter ce pacte social, de respecter cette Constitution, tant qu’elle est en vigueur et que le peuple souverain par les voies démocratiques qui lui sont propres, n’a pas élaboré et adopté une Autre. C’est en ces termes que notre Constitution dispose expressément en son article 53: « Devant Dieu, les Mânes des Ancêtres, la Nation et devant le Peuple béninois, seul détenteur de la souveraineté, Nous….Président de la République, élu conformément aux lois de la République jurons solennellement
- de respecter et de défendre la Constitution que le peuple béninois s’est librement donnée, …
- de ne nous laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine, de consacrer toutes nos forces à la recherche et à la promotion du bien commun, de la paix et de l’unité nationale…
En cas de parjure, que nous subissions les rigueurs de la loi ».

Le Président Talon a prêté ce serment le 06 Avril 2016 à sa prise de fonction à Porto-Novo.
Mais depuis son avènement à la tête de notre Etat, toute la pratique du pouvoir de la Rupture incarné par son Chef, le Président Patrice Talon n’est que l’étalage quotidien et en séries d’actes de violation de ces normes fondamentales qui fondent notre vivre ensemble depuis notamment 1990. La notion qui exprime cette pratique s’appelle « parjure ». On appelle parjure le fait de faire de faux serment, de violer ou de ne pas respecter le serment prêté. Et depuis deux ans, les actes de parjure commis par le Président Patrice Talon sont légions.
Ces actes de violations de serment peuvent se répartir en deux grandes catégories :
1- Violation des dispositions expresses de la Constitution – violation par action ;
2- Violation par refus de se conformer aux dispositions de la Constitution (violation par abstention ou par omission).
Travailleurs, peuple du Bénin,
La Constitution du 11 décembre 1990 est le produit des luttes politiques et sociales de notre peuple dans toutes ses composantes contre un régime despotique, liberticide et failli de KEREKOU-PRPB de triste mémoire. Une période caractérisée par les sombres prisons de Ségbana, où la moindre détention d’un tract critique du pouvoir vous conduit à la prison et peut-être à la mort comme ce fut le cas de Luc Togbadja ; une période d’assassinats politiques et où de nombreux citoyens n’ont dû la vie sauve que dans l’exil ou l’entrée en clandestinité totale dans le maquis. La Conférence Nationale, acte fondateur du régime actuel appelé Renouveau démocratique, s’est tenue sous le slogan de « Plus jamais ça ! ». Et le Professeur Tévoédjrè, Rapporteur Général de la Conférence, a exprimé cette détermination populaire sous la belle formule « Nous avons vaincu la Fatalité ! ». La Constitution a consacré les acquis démocratiques arrachés par le peuple au cours des mouvements populaires qui ont culminé au cours de l’année 1989. Ces acquis démocratiques sont : la protection et la sauvegarde des libertés fondamentales, individuelles et collectives, le respect des droits de la personne humaine.
Certes, on peut et on doit déplorer les insuffisances de cette Constitution quant à la question aujourd’hui lancinante de la lutte contre la corruption, des mécanismes efficaces de la lutte contre ce fléau, du contrôle de l’électeur sur l’élu, de la liberté de produire et de la souveraineté sur notre production et nos richesses nationales.
Mais pour ce qui est des libertés fondamentales, la Constitution se trouve comme un socle sur lequel se fonde l’essentiel de notre vivre ensemble et que l’on ne saurait remettre en cause.
En effet toutes les tentatives de restauration autocratique depuis 1990 par différents gouvernements se sont heurtées à la détermination du peuple.
Mais en moins de deux ans, le Président Talon a passé toutes ces barrières, brisé toutes les bornes érigées par notre peuple combattant et consignées dans notre Contrat social, notre Constitution qu’il s’est pourtant engagé par serment de respecter.

I- Violation des dispositions expresses de la Constitution par des actions et décisions diverses : violation par action
A- Violation des libertés fondamentales :
a- Liberté d’association, de réunion, de manifestation prévues et consacrées par l’article 25 de notre Constitution : interdiction des associations d’étudiants en octobre 2016 ; interdiction et répression des marches pacifiques d’étudiants, y compris sur les campus (2016, 17 février 2017, 28 février 2018 etc.), détermination de "lignes rouges" arbitraires ; interdiction et répression de la manifestation pacifique des femmes contre la faim (le mardi 20 février 2017), répression de la marche des travailleurs, partout sur toute l’étendue du territoire national comme ce fut le cas à Cotonou le 09 mars dernier et enfin, prise d’arrêtés préfectoraux portant interdiction d’exercice de la liberté de manifester dans la ville de Cotonou.
b- Attaque frontale contre la liberté de presse pourtant prévue et consacrée par l’article 24 de notre Constitution : fermeture arbitraire par la HAAC de médias indépendants (six chaînes de télévision), de radios ; piratage jusqu’à ce jour de la Radio Soleil FM, etc.
c- Attaque frontale contre le droit syndical et surtout le droit de grève, droit prévu et consacré à l’article 31 : commanditaire (et ceci reconnu par lui-même) de la tentative de retrait du droit de grève, exprimée à travers la loi portant retrait de grève à des corps de travailleurs (de la justice et de la santé), loi invalidée par la Cour constitutionnelle et promesse de faire aboutir l’entreprise à la prochaine occasion (c’est-à-dire avec une Cour constitutionnelle favorable à l’autocratie etc.)
d- Répression de la liberté d’opinion et d’expression pourtant prévue et consacrée par l’article 23 de notre Constitution: radiation de la fonction publique du capitaine Patrice TREKPO, Secrétaire Général du Syndicat National des Eaux, Forêts et Chasses pour ses opinions dénonçant la privatisation du parc de la Pendjari ; enfin, emprisonnement d’opposants politiques sous couvert de lutte contre la corruption comme c’est le cas actuellement des détenus dans l’affaire CNSS/ BIBE contre METONGNON Laurent et co-accusés.

B- Violation de la propriété de l’Etat et Mise en avant d’intérêts personnels au-dessus de l’intérêt général.

Je citerai ici l’accaparement par le Chef de l’Etat, en violation des dispositions constitutionnelles formelles, d’un domaine appartenant à l’Etat et jouxtant son domicile privé.
Mise en avant des intérêts personnels et de clan au détriment de l’intérêt général :
Depuis son avènement au pouvoir, toute la politique du Président Talon est tendue vers un seul objectif : élargir son empire financier. A la tête de l’Etat du Bénin, il a réalisé une véritable OPA (Offre Publique d’Achat) sur le Bénin et toutes ses ressources. Il suffit de savoir que les plus grandes sources de richesses du Bénin sont aujourd’hui aux mains de sociétés appartenant à Talon et compagnie pour mesurer la gravité de la situation. Un véritable choix systématique de « marque déposée », conflits d’intérêts, guide les actions à la tête de notre Etat : Le Port (PVI avec Bénin Control, ATRAL), le coton (AIC), acajou, leasing, approvisionnement en produits pétroliers et sûrement bientôt nn produits pharmaceutiques etc. Tout est aux mains de Talon, Bocco Olivier, Dagnon et Cie. Le Partenariat Public-Privé est un véritable partenariat Privé-Privé. C’est la même personne (fictivement séparée), mais en réalité la même qui, par un dédoublement scandaleux, offre un bien de l’Etat à vendre et qui l’achète. Cette même personne se retrouve être le Chef de l’Etat, en même temps que Chef d’entreprise prenant en charge des secteurs essentiels de l’Etat. Les clauses de telles transactions ne peuvent s’effectuer qu’en faveur de la personne privée et donc en défaveur de l’intérêt général. Les contrats de gré à gré dans maints domaines : tels MORPHO- SAFRAN, etc. consacrent de véritables prises illégales d’intérêt. Ceci au détriment du peuple et du pays dont les citoyens sont traités comme des employés de la société Talon et Cie.
Alors qu’en 2016, Patrice Talon a été élu sur la base de l’acceptation tacite de l’exigence populaire de lutte contre l’impunité commençant immédiatement par les dossiers déjà connus, il étouffe délibérément les scandales dans lesquels lui et ses acolytes sont impliqués, protégeant ainsi les intérêts privés d’un clan contre l’intérêt général du pays : Affaires machines agricoles, Maria-gléta, Icc-services, Ppea2, vols des domaines de l’Etat, etc.
Travailleurs, peuple du Bénin,
A l’occasion du quarantième anniversaire du Parti Communiste du Bénin je déclarais : « au nom du peuple béninois, que ces multiples actes de conflits d’intérêts, par lesquels Talon à la fois homme d’affaires et chef d’Etat, lie le peuple par des contrats léonins en sa faveur, sont nuls et de nul effet à l’avenir. ... Notre peuple est en droit de reprendre sans préjudice pour les générations futures, la propriété pleine et entière de ses biens aujourd’hui injustement confisqués par un pouvoir qui n’a aucun état d’âme face au bien public. ».

II- Violation par refus de se conformer aux dispositions de la Constitution (violation par abstention ou par omission)
Travailleurs et peuple en lutte,
Tout le monde constate ; tout le monde le voit ; depuis l’arrivée de Patrice Talon à la tête de notre pays, son sport favori est le mépris de notre Loi fondamentale dont la clé de voûte est la Cour constitutionnelle. Il n’a de loi que sa volonté. Et pourtant il est disposé à l’article 124 de notre Constitution ce qui suit :
« Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application.
Les décisions de la Cour ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles ».
Et pourtant ! Patrice Talon piétine royalement toutes les décisions de la Cour jugées non conformes à sa volonté. La litanie du non-respect des décisions est longue. Je veux citer seulement quelques-unes :
1°- Non-respect de la décision DCC 17-023 du 2 février 2017 annulant le relèvement des membres de l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes ) de leurs fonctions. Jusqu’à ce jour, cette décision n’a reçu aucune application de Patrice Talon
2°- Non application de la Décision DCC 17-057 du 9 mars 2017 sur la non-conformité de la disposition des couleurs nationales sur les documents officiels. Jusqu’à ce jour, cette violation manifeste de la Constitution touchant aux attributs officiels de l’Etat se poursuit.
3°- Le 12 décembre 2017, la Cour Constitutionnelle par décision DCC 17-262 a fait injonction au Parlement de désigner ses représentants au COS-LEPI au plus tard le 21 décembre 2017 et d’installer le COS-LEPI au plus tard le 29 décembre. Jusque-là, cette décision n’a nullement été appliquée par le Parlement pourtant largement dominé par le Bloc de la Majorité Parlementaire à la solde de Patrice Talon.
4°- Entrave à la justice constitutionnelle et non-respect de la Cour Constitutionnelle par Talon et son ministre de l’Economie et des Finances par leur refus de « répondre aux correspondances de la Cour leur demandant de faire tenir à a Haute Juridiction leurs observations, de mettre à sa disposition les fiches de paie des ministres et le décret actuel portant détermination du traitement, des avantages et des indemnités des membres du Gouvernement » ; entrave à la justice dénoncée par la Décision DCC 018-045 du 20 février 2018 de la Cour.
5°- Complicité manifeste avec le Président de l’Assemblée nationale condamné par la Cour Constitutionnelle par décision DCC 18-075 du 15 mars 2018 pour avoir « délibérément décidé de ne pas se conformer à la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 » exigeant la désignation par les députés des membres du Cos-lépi le 21 décembre 2017 au plus tard et l’installation du Cos-Lépi le 29 décembre 2017 au plus tard, et précisant que la Lépi restait la seule liste électorale valable jusqu’en 2021.
Travailleurs et peuple en lutte,
- Vu qu’il ressort de ces observations que toute la pratique et les déclarations du Chef de l’Etat, Patrice Talon expriment sans détour, une volonté délibérée non seulement de piétiner, de violer les normes fondamentales de notre Constitution, mais de la remplacer par une autre à l’image de la tentative avortée de révision de la Constitution d’avril 2017 ;
- Que face à l’échec essuyé, il recourt au saucissonnement des dispositions fondamentales de cette Constitution en des lois liberticides votées par une majorité parlementaire à sa solde ;
- Qu’il ne lui fait défaut à l’heure actuelle que la complicité active d’une Cour Constitutionnelle pour valider l’imposition d’une Constitution autocratique au Bénin (réécrite à coup de lois) et par voie de conséquence la liquidation totale des acquis de la Conférence nationale ;
- Qu’il espère ardemment atteindre cet objectif au travers du prochain renouvellement de la composition de cette Cour devant intervenir en juin 2018 ;
- Qu’ainsi définitivement sera refermée sur notre peuple, la chape d’un régime autocratique, plus féroce que celui de Kérékou-PRPB parce qu’à caractère césariste et tyrannique ;
- Qu’il place entièrement ses intérêts personnels au-dessus des intérêts supérieurs de la Patrie.
- Qu’enfin la gestion despotique et inhumaine actuelle de la crise sociale en cours nous donne un avant-goût de ce qui attend notre laborieux peuple s’il ne se lève pas dès à présent pour y mettre fin.
- Vu que toutes les luttes pratiques du Peuple ont tendu à élargir et formaliser les conquêtes populaires en s’opposant à toute remise en cause du minimum acquis dans la Constitution du 11 décembre 1990 ;
Au vu de tout cela, le Président Patrice Talon est coupable de parjure et de haute trahison, c’est-à-dire de violation manifeste du serment prêté le 06 avril 2016, de respecter notre Constitution, qui est jusqu’à nouvel ordre notre vouloir vivre ensemble aux termes de l’article 74 de notre Constitution qui dispose « Il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé son serment, est reconnu auteur, co-auteur ou complice de violations graves et caractérisées des Droits de l’Homme, de cession d’une partie du territoire national ou d’acte attentatoire au maintien d’un environnement sain, satisfaisant, durable et favorable au développement »
Qu’il devra, selon les dispositions constitutionnelles, « subir les rigueurs de la loi ».
Travailleurs, peuple du Bénin,
La Constitution est notre Contrat social qui lie toutes les filles et tous les fils de ce pays. Le respect, la confiance que le peuple doit à Patrice Talon, Président de la République, ne s’expliquent qu’en tant que garant de la Constitution. Dès lors qu’il se met en dehors de cette obligation constitutionnelle, le peuple est en droit de lui retirer toute confiance.
En conséquence, il s’impose une chose, une seule, c’est le retrait de toute confiance à lui accordée par notre suffrage le 20 Mars 2016. Il urge que le peuple constate et proclame que celui qui ne détient son mandat à la tête du Bénin que par la confiance qu’il lui a accordée a trahi cette confiance et ne la mérite plus.
Par conséquent,
J’appelle, travailleurs des villes et campagnes, femmes, paysans, artisans, tout le peuple du Bénin à s’unir devant l’épreuve qui nous est imposée ; à ne reculer devant aucun sacrifice ; à puiser dans toutes les réserves, dans toutes les ressources morales et patriotiques pour mettre fin à la gouvernance de dictature autocratique, de parjure, de pillage, de famine du peuple, et pour se donner un gouvernement qui respecte la Volonté populaire, un gouvernement patriotique et de probité.
Je vous appelle, Travailleurs et peuple du Bénin, à la désobéissance civile face à ce pouvoir jusqu’à la réalisation de cette œuvre patriotique.
Je vous remercie

Cotonou le 27 Mars 2018.

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